La question curatoriale : Quelle est ta relation avec les monuments, en tant que personne venant des Prairies qui vit maintenant à Ottawa ? Afin d’aborder cette question, je dois me situer en tant que nēhiyaw-iskwēw née et élevée sur une première Nation du Traité no 6 à Saskatchewan, et ce que ça signifie maintenant d’habiter sur des territoires algonquins non cédés dans la ville d’Ottawa. Les thèmes abordés dans ma réponse sont : le mouvement et la permanence, la paternité autochtone, et l’exploration du langage en tant que monument.
Dans ma réponse vidéo, j’accroche une image sur le mur de ma salle à manger. L’œuvre d’art est de Jeffrey Thomas, érudit réputé et artiste qui est également mon beau-père. Son œuvre explore le monument et l’indigénéité, et le fait de poursuivre ces recherches l’a amené à déménager à Ottawa dans les années 1990. Son étude de la présence et de l’absence autochtones dans les monuments est également une étude de la représentation de la paternité autochtone.
Sur l’autre mur de ma salle à manger, un portrait que j’ai pris de mon père est déjà accroché. On le voit s’éloigner de la caméra lors d’une journée qui représente sa retraite de l’agriculture. En étudiant l’œuvre de Jeff Thomas, on voit que la paternité, à travers ses représentations de son fils, est un pilier central dans son travail et sa vie. En accrochant ces images l’une à côté de l’autre, j’honore les piliers de ma propre vie, de Jeff et mon père dont le travail en tant que fermier m’a donné une base et un lien solides avec notre territoire et notre communauté.
Déménager dans une nouvelle ville et créer une nouvelle relation avec l’endroit ne fût pas facile ; mon lien avec la famille, la communauté et les réseaux à Saskatchewan demeure puissant et intact. Pendant sept ans et en passant par trois maisons louées différentes, je n’ai jamais accroché d’image. Pour moi, le fait d’accrocher des images sur les murs est une déclaration de permanence – comme ériger un monument. Si je le fais, ça signifie que j’ai l’intention de rester.
Après avoir accroché l’image, je m’assois pour taper sur ma machine à écrire. Je pense au futur et à ce que qui me rattache toujours à ma communauté depuis que j’ai déménagé à Ottawa en 2015. Je me rends compte que ça a toujours été la famille et le langage. J’écris une lettre en nēhiyawēwin : le langage est mon monument.
Joi T. Arcand est une artiste de la Muskeg Lake Cree Nation, Saskatchewan, territoire du Traité no. 6, habitant présentement à Ottawa, en Ontario. Elle a obtenu son baccalauréat en beaux-arts de l’université de la Saskatchewan avec grande distinction en 2006. En 2018, Arcand a été présélectionnée pour le prestigieux prix Sobey. Sa pratique comprend l’installation, la photographie et le design et se caractérise par une réclamation et une indigénisation visionnaires et subversives des espaces publiques par l’usage de la langue et le syllabaire cris.
Des expositions solos récentes comprennent Central Art Garage (Ottawa, ON) ; College Art Galleries (Saskatoon, Sk) ; ODD Gallery (Dawson City, Yukon) ; la galerie d’art Mendel (Saskatoon) ; le parc patrimonial de Wanuskewin (Saskatoon) ; la Dunlop Art Gallery (Regina). Son œuvre a fait partie de plusieurs expositions de groupe, incluant « Àbadakone » au musée des beaux-arts du Canada (Ottawa, ON) et « INSURGENCE/RESURGENCE » à la Winnipeg Art Gallery.
Arcand fût artiste en résidence au parc patrimonial de Wanuskewin (Saskatoon) ; à l’université EADO (Toronto) ; au Plug In Institut d’art contemporain (Winnipeg) ; au Centre des arts de Banff ; et au Klondike Institute of Art and Culture (Dawson City, Yukon) ; ainsi qu’au Centre Harbourfront (Toronto).
Aux côtés de Felicia Gay, Arcand fût la co-fondatrice de la Red Shift Gallery, une galerie d’art autochtone contemporaine à Saskatoon. Elle fût fondatrice et directrice du magazine d’art autochtone kimiwan (2012-2014). Elle fût commissaire pour différentes expositions y compris « Language of Puncture » à la Galerie 101 (Ottawa, 2017), nākatēyimisowin une exposition murale extérieure à Ottawa. Dans son rôle précédent en tant que directrice du Nordic Lab de la Galerie SAW, elle fût commissaire pour « The Travellers » (Supermarket Art Fair, Stockholm, Suède, 2018). Elle complète présentement un baccalauréat en arts en cri à l’université nuhelotʼįne thaiyotsʼį nistameyimâkanak Blue Quills et elle est membre du collectif d’art et de conservation Wolf Babe.